Expérience client : Les atouts des banques traditionnelles

Préoccupées par la montée en puissance des banques en ligne et par l’arrivée de nouveaux acteurs bancaires, les banques traditionnelles ont accéléré leur processus de digitalisation. Ringardisées ces dernières années, elles prennent désormais conscience de leurs nombreux atouts et gagnent en expérience digitale. Face à des marges de plus en plus faibles et à une hyper concurrence, l’enjeu pour les acteurs traditionnels bancaires sera de valoriser le parcours Cross-Canal et d’améliorer l’expérience client. Leur promesse de proximité, qu’elle soit réelle ou digitale devra leur permettre de replacer la satisfaction client au cœur de leurs priorités.

Le secteur bancaire, un marché de plus en plus fragmenté

Depuis plusieurs années déjà, les banques en ligne gagnent du terrain. Cartes bancaires gratuites, offres Low Cost et possibilité de réaliser l’ensemble de ses opérations en ligne ont séduit déjà 3 millions de Français [1]. D’après une étude seulement 10 % [2] de clients ont ouvert un compte dans ces banques en lignes. D’ailleurs, 15 ans après leur lancement peu d’entre elles sont rentables. Malgré tout, quasiment toutes ont lancés une offre de crédit immobilier 100% en ligne. Ce qui constitue un énorme levier pour l’avenir quand on sait qu’il s’agit du premier produit d’appel pour une banque. La mobilité bancaire, renforcée par la loi Macron, devrait bénéficier en partie aux banques en ligne.

Mais de nouveaux acteurs bancaires ont fait leur apparition, les fintechs et les néo-banques. Czam pour Carrefour propose des comptes bancaires dans ses rayons comme n’importe quelle autre marchandise, N26 permet l’ouverture de compte en quelques clics et Compte Nickel permet d’ouvrir un compte chez un buraliste. Initialement destinées à une clientèle sensible, ces néo-banques séduisent en priorité les ménages modestes. Plus surprenant encore, de plus en plus de jeunes ou de parents d’adolescents deviennent adeptes de cette solution aux faibles coûts et dépourvue d’autorisation de découvert.

Les Fintech commencent à être nombreuses sur le marché. On peut citer Lydia qui permet les virements entre amis avec un simple numéro de téléphone et les paiements par mobile. La fintech compte déjà 900 000 clients et ce n’est qu’un début. Elle vient de signer un partenariat avec l’enseigne Casino et s’internationalise. Younited Credit qui propose des crédits à la consommation de particuliers à particuliers devrait atteindre le milliard d’encours de prêt en 2018 [3]. De même la très attendue Orange Bank devrait voir le jour d’ici quelques mois. A l’instar d’Orange, SFR (Altice) vient d’annoncer la création de sa banque mobile pour 2018 et Free vient de déposer le nom de FreeBank avec peut-être la volonté de se lancer elle aussi. Ces nouveaux acteurs semblent être des concurrents très sérieux pour les banques traditionnelles car ils disposent déjà de nombreuses données clients, de moyens de distributions établis et d’une expérience digitale sur le secteur de la téléphonie.

Une menace de l’ombre : les GAFA

De nombreux acteurs redoutent également l’arrivée des GAFA (Google, Amazon, FaceBook, Apple) sur le secteur bancaire. La maîtrise des datas leur permettrait d’investir le secteur dans le domaine des moyens de paiement, des crédits aux particuliers et aux entreprises. Certains ont déjà sauté le pas. La percée est encore timide mais elle est présente. Apple s’est lancé sur le marché du paiement mobile avec Apple Pay. Amazon et Alibaba proposent des crédits aux entreprises en Europe et en chine. La connaissance de leurs propres vendeurs sur les marketPlaces leur permet de choisir leurs partenaires avec pertinence. On peut aussi imaginer que les algorithmes de Google qui permettent d’analyser et d’anticiper le parcours d’achat d’un consommateur, lui permettent demain de proposer un crédit conso adapté au profil de l’internaute si celui-ci a effectué une recherche pour l’achat d’une voiture. Une étude McKinsey prévoit un effondrement des bénéfices de la banque de détail à l’échelle mondiale de 20 à 60% [4] d’ici 2025 si les GAFA pénétraient le secteur sur certains segments : Prêt à la consommation, crédit immobilier, services de paiement et gestion de patrimoine.

Sur un marché de plus en plus convoité, on comprend la nécessité pour les banques de mettre en place une stratégie et de bouleverser leur business model. Afin de contrer cette nouvelle concurrence, les principaux acteurs bancaires s’intéressent aux Fintech et beaucoup d’entre elles connaissent le sort des banques en ligne. Entre rachat et participation, elles rentrent dans le giron d’acteurs traditionnels qui, outre le fait de réduire la concurrence, profitent d’une expérience de la technologie disruptive. A titre d’exemple Compte Nickel a été racheté par BNP, Crédit Mutuel a investi dans Younited Credit et Leetchi et BPCE a racheté Fidor.

Vers une amélioration de l’expérience client

Si les banques en ligne et autres Fintech séduisent, c’est évidemment grâce à la possibilité de réaliser toutes les opérations à distance. L’ergonomie de leur site internet et l’utilisation du responsive web design [5] offre un parcours utilisateur fluide et mobile.

Les banques traditionnelles l’ont compris, si elles veulent résister, elles doivent passer d’une logique d’offre produit à une offre centrée sur l’expérience client. Intervenant aux matinées de PROLOGIA, Marc SIBLINI d’Eurogroup consulting [6] explique que l’expérience client doit être la matérialisation d’une promesse. Les banques traditionnelles font une promesse relationnelle de proximité. Il explique qu’il est important d’enrichir une segmentation client par une segmentation capable de répondre à la diversité de la demande. Si la segmentation client doit permettre de répondre à la question « quel produit vendre à qui ? », la segmentation relationnelle doit s’interpréter comme « Comment créer une expérience positive autour de mon produit ? »

Caractériser la situation du client durant les moments clés de son parcours devient alors incontournable. Les banques doivent déterminer l’état émotionnel du client et son attente par rapport au canal utilisé.

Il devient primordial d’identifier les attentes du client et d’y répondre. Il est important pour un client d’obtenir un rendez-vous rapidement avec un conseiller, ou encore avoir la confirmation SMS rapide qu’une demande a été prise en compte.

La mise en place de critères de qualité qui répondent à l’exigence du client est importante. Comme recevoir un SMS ou un e-mail de confirmation de manière instantanée ou obtenir un rendez-vous dans les 48 h sont des éléments importants et positifs pour un client.
Marc SIBLINI souligne qu’il n’y a donc pas une mais des expériences clients.

Accompagner le client dans des moments difficiles de sa vie est également un axe de développement important qui renforce la confiance et la proximité. C’est sur ce principe que plusieurs banques ont mis en place des pôles experts spécialisés chargés de travailler sur des problématiques de succession comme LCL et BNP ou du divorce comme à la Société Générale.

Banques traditionnelles : une métamorphose au service de la satisfaction client

La satisfaction client devient le principal objectif. Selon une étude Harris, 39% des clients [7] changent de banque après une mauvaise expérience client. Ce chiffre sidérant permet de comprendre en quoi la promesse de proximité des grands groupes bancaires doit être respectée. C’est toute une métamorphose du modèle organisationnel, opérationnel, et managérial qui s’opère. La culture du digital doit être présente dans toutes les fonctions. Par exemple un conseiller doit apprendre à interagir avec plusieurs médias, en mode multicanal. Mais il doit également être formé de manière à apporter une véritable plus-value à son client. Certains établissements ont mis en place des pôles de compétences. Ainsi les spécialistes crédits immobiliers ou les gestionnaires patrimoniaux ont vu leurs nombres augmenter de manière importante en 2017. Plus qu’avant, le professionnalisme devient un enjeu fort afin d’opérer une différenciation avec la concurrence.

Au niveau managérial, l’amélioration continue et le suivi de la satisfaction client doivent être intégrés dans les outils de pilotage managériaux. Les banques accordent de plus en plus d’importance aux questionnaires satisfactions et les intègrent dans la rémunération de la part variable des conseillers clients et des manageurs. Résultant directement de la satisfaction client, le taux de recommandation commence lui aussi à être fortement apprécié. Largement utilisée par les banques patrimoniales, la recommandation peine à devenir systématique dans les banques grand public. Par ailleurs ce taux, indice de satisfaction évident, est aujourd’hui de – 10% [7] ce qui signifie qu’il y a plus de détracteurs que de clients qui recommandent l’établissement. La satisfaction client devient alors un axe de développement primordial.

L’expérience client doit se faire également au travers de nouveaux outils. Les applis bancaires font une belle percée. L’étude Harris Interactive révèle qu’une appli mobile est utilisé 11.3 fois au cours du mois.

L’enjeu majeur : réussir le parcours Cross canal

Le défi de la digitalisation est d’optimiser le parcours Cross canal. Après avoir lancé différents concepts d’agences, d’application web, mobiles et avoir développé leur présence sur les réseaux sociaux, les banques doivent passer d’une logique multicanal à une logique Cross canal. C’est-à-dire à une stratégie ou les canaux se répondent entres eux. Un client qui commence une simulation pour un crédit immobilier doit pouvoir le finaliser en agence avec les conseils de son gestionnaire de clientèle. De même, dans le cadre d’une assurance vie souscrite en agence avec un conseiller, le client qui le souhaite devrait pouvoir faire un arbitrage via le web, ou encore une proposition de crédit consommation faites par téléphone doit pouvoir être concrétisée sur internet ou sur mobile.

La stratégie cross canal doit donc permettre la cohérence entre l’ensemble des canaux et remettre le relationnel au cœur du dispositif. Le client se sent ainsi rassuré, accompagné et pris en main. Cela doit passer par la mise en place d’outils marketing performants et la refonte du système d’information. Il semble important de repenser le tunnel d’acquisition et de fidélisation client. Une démarche marketing cross canal, une plateforme CRM omnicanal, une centralisation des données et un traitement optimal de celles-ci permettent l’enrichissement de la connaissance client. Les banques se sont également munies d’outil tel que la GED ou la signature électronique, ce qui permet un gain de temps, de flexibilité et d’agilité nécessaires à leur transformation.

Le maillage d’agence : miser sur la proximité

A l’apparition de la digitalisation, la densité des agences est apparue comme un poids plus qu’un atout. Les banques doivent réformer en continue leur réseau d’agence afin de le rendre efficace et efficient. Supprimer les points de vente les moins rentables, réduire le nombre de managers, concentrer le personnel commercial sur des zones à forts potentiels font partie de l’arsenal de réduction des coûts. Cette rigueur leur permet de résister à des marges de plus en plus faibles et d’être compétitives face aux banques en ligne.

Forte de cette transformation, les banques traditionnelles peuvent s’appuyer sur leur réseau d’agences pour valoriser la proximité avec leur client. Malgré la désaffection des clients pour les agences bancaires encore 95% des clients souscrivent leur contrat en agence et 29 % considèrent comme critère de choix principal [8] la présence d’une agence près de son domicile. La où les agences bancaires représentaient un poids, les banques traditionnelles en font une force.

Une communication qui valorise une promesse : la proximité

Si 54% des clients n’utilisent que le site internet de leur banque, 44% préfèrent se rendre dans une agence pour des opérations complexes comme les crédits. Et ceci, les banques traditionnelles entendent bien le mettre en évidence. Après des spots publicitaires axés sur la mobilité et la mise en place d’outils digitaux, les banques mettent en valeur leurs conseillers et leur maillage régional comme « Le bon sens près de chez vous » du Crédit Agricole ou encore « gagnez du temps avec nos services en ligne, prenez le temps avec votre conseiller » pour la Banque Populaire.

Pour Marc SIBLINI, le recours aux personas permet de matérialiser la promesse relationnelle. Les personas, personne fictive stéréotypée qui représentent un segment de clientèle, sont largement utilisés dans la communication des réseaux car ils permettent aux clients de s’identifier à eux.

Loin de leurs images désuètes, les banques traditionnelles sont parmi les plus actives dans cette transformation. Elles construisent leurs avenirs petit à petit. Le digital doit permettre d’améliorer l’expérience client. Une bonne expérience client sera le vecteur d’efficacité commerciale. Conscientes de leurs forces et de leurs faiblesses, les banques savent que pour continuer à exister elles doivent opérer une transformation en profondeur. Ceci passe par une rationalisation de leur réseau de distribution, une connaissance de plus en plus pointue du consommateur, et une bonne dose d’innovation. Sans oublier que pour satisfaire le haut niveau d’exigence des clients, il leur faudra des conseillers bien formés, avec une forte culture du digital et de la relation client. C’est en apportant de la valeur ajoutée à ses clients, de véritables conseils, que les banques sauront se différencier.

[1] Extrait de l’étude réalisé par Cbanque _qui est le vrai leader de la banque en ligne en France
[2] Cabinet SIMON-KUCHER ET RESEARCH NOW
[3] Suivant Geoffrey Guigou, Co-Fondateur et DG Younited Credit_Interview AGEFI 03/05/17
[4] Etude du Cabinet Mc Kinsey _ Septembre 2015
[5] Responsive web design : permet l’élaboration de sites qui offre une expérience de lecture et de confort optimales quel que soit le support utilisé (mobiles, tablettes, ordinateurs…)
[6] Intervention de Marc SIBLINI _ EUROGROUP CONSULTING- Thème « l’expérience client » – 13/06/2017 Matinée de PROLOGIA
[7] Etude réalisée en ligne en juin 2017 par Harris Interactive auprès d’un échantillon de 3.304 clients particuliers de banques françaises (Barclays, BNP Paribas, CIC, Crédit du Nord, HSBC, LCL, Société Générale, Banque populaire, Caisse d’Epargne, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, La Banque Postale, Axa Banque, ING Direct, Boursorama Banque, Allianz Banque, Fortuneo, Groupama Banque, Monabanq, Hello Bank, BforBank, Czam, en fonction de la part de marché des établissements).
[8] Etude Harris Interactive

 

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