Réussir la mise en place du télétravail dans son entreprise
La crise sanitaire a permis de lever des freins par rapport au télétravail dans les entreprises. Le contexte exceptionnel a précipité nombre d’entre elles à accélérer sa mise en place. À présent, certaines sociétés ont revu leur organisation pour l’intégrer sur le long terme. D’autres repensent leur stratégie pour faire évoluer la manière dont leurs employés vont travailler à l’avenir.
Dans tous les cas, pour que le travail en distanciel soit bien vécu par les salariés et le management, un cadre juridique clair est indispensable. Mais celui-ci ne constitue pas l’unique axe de développement pour optimiser cette nouvelle organisation.
Prologia passe en revue les obligations et les points de vigilance incontournables, afin d’appréhender au mieux le travail à distance dans l’entreprise.
Télétravail : quelles obligations pour les entreprises ?
Chaque entreprise est libre de réfléchir à l’articulation entre l’activité sur site et le télétravail des salariés. La crise sanitaire a accéléré la progression de cette organisation hybride pour laquelle les modalités d’application n’étaient pas toujours bien définies. L’instauration du travail à distance est à présent anticipée, même si elle continue d’évoluer. Elle fait partie des sujets incontournables à aborder, y compris en dehors d’une situation exceptionnelle.
En France, le cadre légal est encore en pleine mutation. Il dépend à la fois de décisions gouvernementales, mais aussi de certaines règles fixées au niveau européen. Il est déterminé par le Code du travail et par les dispositions de l’ANI de 2005. Des aménagements négociés au niveau de la branche d’activité peuvent s’y ajouter.
Le dernier accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 est venu compléter ces orientations. Signé dans le privé par les partenaires sociaux, il est décrit comme un « outil d’aide au dialogue social, un appui à la négociation […] afin de favoriser une mise en œuvre réussie du télétravail. »
Une fois finalisé, l’accord d’entreprise relatif au télétravail doit être communiqué clairement aux salariés et au comité social et économique (CSE). Il en va de même pour l’accord de branche. L’entreprise les informe également de la possibilité de consulter un exemplaire de cet accord collectif.
Dans le cas où il n’existerait pas d’accord, la charte télétravail et la charte informatique seraient alors intégrées au contrat de travail. Elles sont aussi présentes au sein d’un règlement intérieur. Dans ce cas, l’employeur doit pouvoir démontrer qu’une copie du document a bien été remise au salarié.
L’entreprise, comme le collaborateur, renouvelle, cesse ou modifie le travail à distance, selon les règles formalisées dans l’accord. Le nombre de jours en distanciel ou les modalités d’exécution peuvent être ajustés, par exemple. Ces changements font l’objet d’un nouvel avenant au contrat du salarié.
Depuis la sortie du premier confinement, à chaque poussée de l’épidémie, le Premier ministre Jean Castex appelle les entreprises à renforcer le télétravail. À raison de deux à trois jours par semaine, il constitue une réponse efficace à la propagation du virus de la Covid-19.
Ces règles ne sont donc pas figées dans le temps. Il est possible de les modifier selon différents critères : prise de conscience du salarié, besoins de l’entreprise, situation sanitaire, etc.
Reconnaître les risques liés au travail à distance
Toutefois, depuis 2 ans, le constat est clair : mal géré, le télétravail ne comporte pas que des avantages. Experts de la santé et responsables RH sont unanimes. Des conséquences dommageables pour les collaborateurs, et par conséquent pour l’entreprise, existent.
Le manque d’interactions sociales, la sédentarité et les sollicitations permanentes effacent les limites entre vie d’entreprise et vie personnelle. Les salariés en télétravail, en perte de repères, ont le sentiment de devoir répondre aux appels, aux courriels professionnels en dehors des heures de bureau.
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont à l’origine de ce phénomène. Elles sont responsables d’une augmentation importante de la fatigue et de l’anxiété. Elles diminuent les capacités de concentration des télétravailleurs. En estompant la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée, le stress lié au travail franchit la porte du domicile. Il ne laisse plus de repos et donc de répit, aux salariés.
C’est pourquoi le changement d’une politique de travail implique des termes clairs et compréhensibles pour l’ensemble du personnel. Attendre une loi qui imposerait des règles plus strictes aux employeurs n’est pas forcément une option pertinente.
Il est dans l’intérêt des entreprises de reconnaitre les risques du travail à distance et par conséquent d’en fixer les limites. Car lorsque sa mise en place est réussie, il devient un moteur de croissance. Malgré certains sceptiques, les gains du télétravail sur la productivité sont prouvés :
- Durée de transport réinvestie en temps de travail
- Plages de disponibilité élargies
- Réduction de l’absentéisme
- Diminution des conflits interpersonnels, etc.
Dans cet état d’esprit, la définition du télétravail ne doit pas se confondre avec celle du travail dit « flexible ». La flexibilité permet une liberté d’organisation plus basée sur l’atteinte des objectifs et moins sur les temps de présence. Tandis que le télétravail suppose des horaires et des jours d’activité précis.
Selon les postes et les missions, l’un ou l’autre sont plus appropriés. C’est pourquoi clarifier les attentes auprès du personnel s’avère indispensable, sous peine de malentendus, voire de situations conflictuelles.
De plus, pour éviter les abus et préserver les employés, le « droit à la déconnexion » devrait bientôt s’introduire dans l’ensemble de l’UE. Ne pas être joignable à tout moment ne devrait jamais faire l’objet d’une sanction. Ne pas répondre au-delà des heures de travail ne doit pas être signalé comme un manque de motivation, d’implication ou de conscience professionnelle. Ainsi, ce droit est légitime et ne doit pas avoir d’incidence sur l’avenir d’un collaborateur dans la société.
Intégrer ces points, fondamentaux à la démarche de l’entreprise, préserve des impacts négatifs, et même contre-productifs, d’une organisation hybride improvisée.
Travail hybride : la nécessité de créer un modèle d’organisation sur-mesure
Une approche personnalisée favorise la mise en place durable et optimale de ce nouveau mode de travail, mixant présentiel et distanciel. L’employeur doit prendre le temps de réfléchir avec ses équipes aux différents axes d’un fonctionnement hybride :
- Planification des jours de présence au bureau et ceux prévus à distance
- Organisation des temps collaboratifs
- Lieux de travail hors entreprise (domicile ou tiers lieu tels que coworking ou bureau en location, etc.)
- Prise en main des outils numériques
- Gestion de la charge de travail, etc.
Le retour d’expérience du collectif détermine dès lors ce qui doit être pérennisé et ce qui est à bannir définitivement. Ainsi, dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours à ce système d’organisation sont précisées. Elles ont pour but de maintenir les liens entre les collaborateurs, sans s’immiscer de manière inappropriée dans la vie privée de chacun.
L’employeur doit accompagner le personnel pour mettre en place de bonnes habitudes, à la fois sur site et à distance. En assimilant le fait que leur bien-être influe sur les performances de l’entreprise, celle-ci investit pour faire évoluer sa marque employeur. Elle incarne des valeurs fortes liées à la qualité de vie au travail.
Des offres de services comme le dispositif Objectif Télétravail à destination des TPE et PME peuvent l’aider pour faciliter les transformations. Intégrée à Objectif reprise — une démarche du ministère du Travail, elle est pilotée par le réseau Anact-Aract (Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail) et les Direccte.
Par ailleurs, le recours aux outils de planification optimise ces changements. Les systèmes de pointage à distance clarifient et simplifient la gestion des nouvelles formes de travail. Pour établir un cadre légal adapté aux contraintes et transformations de l’entreprise, un accompagnement juridique se révèle également bénéfique.
Même si des disparités subsistent entre les sociétés, une tendance forte à généraliser le télétravail se profile. Une fois les éléments d’organisation résolus, les décideurs doivent désormais s’interroger sur l’évolution du management. Au cœur de cette thématique, il est fondamental de lancer des pistes d’amélioration. Autonomie, qualité des échanges ou encore nécessité de créer un esprit collaboratif à distance, représentent des sujets essentiels.
L’objectif final de ces questions est d’appréhender le télétravail comme un facteur de progrès global. Cette solution est alors intégrée, sur le long terme, à la stratégie d’entreprise.